Il est fréquent qu’en cours d’instance devant le juge administratif, le porteur du projet prenne conscience que son permis de construire risque l’annulation.
Pour lui permettre de sauver son projet, le juge administratif admet depuis longtemps qu’un permis de construire soit amélioré par le biais du permis de construire modificatif.
Ceci étant, en 1982, à travers un arrêt « Le Roy », le Conseil d’Etat avait limité la possibilité de recourir à cette technique en posant la règle selon laquelle un permis de construire modificatif ne pouvait être sollicité et délivré que si les modifications envisagées étaient sans influence sur la conception générale du projet initial (CE, 26 juillet 198, Le Roy, req. n°23604).
En 2013, le Conseil d’Etat continuait d’exiger que le permis de construire modificatif ne remette en cause ni la conception générale ni l'implantation des constructions et vérifiait le « caractère limité des modifications apportées au projet initial » (CE, 4 octobre 2013, req. n° 358401).
En 2015, le Conseil d’Etat a décidé d’étendre le champ matériel du permis de construire modificatif de régularisation à l’initiative du juge administratif en application des articles L.600-5 ou L.600-5-1 du code de l’urbanisme, c’est-à-dire, respectivement, lorsque, après avoir censuré un ou plusieurs vices du permis initial, le juge en prononce l’annulation partielle en fixant le délai dans lequel le titulaire pourra en demander la régularisation, ou lorsqu’il sursoit à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation.
En effet, en 2015, le Conseil d’Etat, dans un arrêt rendu à propos de ces dispositions, avait fait varier son appréciation en prenant désormais en considération le fait que les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d'illégalité ne remettent pas en cause sa conception générale par leur nature ou leur ampleur (CE, 1 octobre 2015, req. n° 374338).
Depuis lors, le champ matériel du permis de régularisation délivré après l’intervention du juge administratif et celui du permis modificatif « spontané » ne coïncidaient plus.
Les champs matériels des deux permis de construire modificatifs coïncidaient encore moins, après l’intervention d’un avis « M. Barrieu » du 2 octobre 2020, lui aussi rendu dans le cadre de l’application des dispositions de l’article L.600-5 du code de l’urbanisme.
Dans cet avis, le Conseil d’Etat a rompu avec sa conception d’un permis de construire modificatif en énonçant qu’« un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » (CE avis, 2 octobre 2020, Barrieu, req. n° 438318).
Pour renouer avec un alignement des deux régimes, le Conseil d’Etat a décidé que, dans tous les cas, il est possible de « délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même » (CE, 26 juillet 2022, req. n° 437765).
Le Conseil d’Etat estime donc qu’un bouleversement du projet est possible pourvu qu’il ne change pas sa nature.
Pour comprendre ce que signifie cette formulation sibylline, il convient de se reporter aux conclusions rendues sous cet arrêt par Monsieur Olivier Fuschs :
« Nous croyons que si le projet initial de trois immeubles collectifs devient une villa individuelle, si le projet est finalement réalisé dans une zone et sur une parcelle différentes, si le bâtiment à usage de poulailler industriel se transforme en magasin de meubles ou si le chalet d’aspect montagnard devient une maison inspirée par l’architecture de Frank Lloyd Wright, le bouleversement est tel que le lien avec le projet initial sera rompu ».
Cela signifie qu’a contrario, il est possible de solliciter un permis de construire modificatif pour :
- surélever un projet d’un étage en augmentant sensiblement le nombre de logements
- supprimer des logements commerciaux initialement prévus
- modifier de plusieurs mètres l’implantation d’un bâtiment
- augmenter la pente de la toiture
- augmenter la surface de plancher d’un bâtiment, etc.
Dès lors, si vous rendez compte que votre projet est menacé d’annulation, n’hésitez pas à solliciter la délivrance d’un permis de construire modificatif.
Yann HOURMANT, avocat en droit de l’urbanisme, à Caen et partout en Normandie, peut vous assister pour déterminer avec vous la meilleure manière de sauver votre projet de construction.